D’où viennent les cheveux qui composent les extensions ou les perruques en cheveu naturel ?
De l’Inde ! Les cheveux sont le seul produit humain commercialisable dans le monde. Tirupati en Andrah Pradesh est l’un de ces temples qui collectent et revendent ensuite les cheveux. Les cheveux indiens sont appréciés pour leurs caractéristiques et réutilisés par un business aujourd’hui très juteux (3M d’euros par an).
Originaire de l’Inde, j’ai voulu connaître mes racines, et ai donc effectué un séjour de près de trois mois en Inde du Sud en 2006.
Dans cet article, nous nous intéresserons à ce commerce des cheveux, au type de cheveux indien et à ce pèlerinage à Tirupati. Vous apprendrez également que je me suis rendue à Tirupati dans l’Andrah Pradesh curieuse de découvrir cette tradition et ce pèlerinage hindou. Mon excursion ne s’est pas déroulée comme prévu…découvrez-le en lisant l’article.
Les particularités des cheveux indiens
Bon nombre d’extensions et de perruques sont en cheveux humains. L’Inde est le plus grand exportateur mondial de ce qu’on appelle aujourd’hui l’or noir. En Inde, faire don de ses cheveux est une tradition et revêt des symboles religieux et spirituels. Les femmes hindoues coupent et donnent leurs cheveux plusieurs fois dans leur vie, pratique religieuse appelée la « tonsure », devenue une ressource économique extraordinaire pour les communautés.
Le temple de Tirupati en Andrah Pradesh, est le lieu saint le plus visité au monde. Il collecte 500 tonnes de cheveux humains par an, mais cette pratique existe aussi dans d’autres temples de l’Inde.
Qui fait don de ses cheveux ?
Les hommes, comme les femmes, offrent leurs cheveux dans les temples. Toutefois, la plupart des cheveux exportés proviennent de dons réalisés par des femmes. Les cheveux féminins sont en général longs, sombres et soyeux, et plus prisés des commerçants et des acheteurs de perruques.
Les cheveux venus d’Inde ont une excellente réputation. Pourquoi ? Parce qu’ils sont plus faciles à coiffer et plus malléables que le cheveu crépu ou asiatique, qui est quant à lui plus raide. Ils sont aussi plus faciles à décolorer.
Le cheveu indien est celui qui se rapproche le plus du cheveu européen par sa souplesse.
Deux types de cheveux
Les temples comme celui de Tirupati distinguent deux types de cheveu :
Le cheveu “remy”, est collecté dans quatre États du sud du pays : Tamil Nadu, Andhra Pradesh, Telangana et Karnataka.
Les cheveux sont vierges et naturels. Ils proviennent d’une seule et même personne, n’ont subi aucun traitement chimique et sont conservés dans le même sens pour éviter qu’ils ne s’emmêlent.
Les cheveux “non-remy”, soit le “cheveu de brossage”, que l’on trouve dans tout le pays.
Que deviennent les cheveux des hommes ?
Les cheveux masculins sont généralement utilisés pour fabriquer les doublures de manteaux. On en extrait de la L-cystéine, une protéine utilisée comme additif pour toute une gamme de produits, notamment les aliments pour bébé et les beignets.
Le parcours du cheveu
À la suite des pèlerinages, les temples revendent ensuite les cheveux au plus offrant lors d’enchères mensuelles qui se déroulent en ligne.
Par exemple, entre 2011 et 2016, le temple de Tirupati a engrangé la somme de 97 millions de dollars. Cette somme astronomique provient essentiellement de la vente de cheveux. Au cours de ces enchères, les cheveux sont fourrés dans des sacs de jute. Leur prix oscille entre 200 et 400 euros le kilo. Néanmoins, le tarif peut varier de 15 % d’une année à l’autre.
Les revenus de la vente des cheveux sont ensuite gérés par le temple. L’argent est ainsi directement acheminé vers la communauté locale pour financer l’aide médicale, les systèmes éducatifs et d’autres projets d’infrastructure cruciaux.
Un cheveu qui voyage
Après les dons, les cheveux sont lavés, séchés au soleil et peignés. Puis ils prennent l’avion pour la destination de l’acheteur qui se charge de procéder à sa décoloration.
D’après un reportage de l’émission de France 2 Envoyé Spécial, étonnamment, les cheveux achetés en Italie retournent en Inde pour y être filtré à la pince à épiler, par des Indiennes. Les cheveux qui n’auront pas été décolorés avec succès seront éliminés.
Un très mauvais point pour l’empreinte carbone de la perruque ou des extensions.
Tarif des cheveux
Le cheveu noir et de plus de 15 cm est le plus recherché et se vend à plus de 160 dollars par kilogramme.
Le cheveu noir, entre 20 et 40 cm de long, se vend à environ 44 dollars le kilo.
Le cheveu noir, de moins de 15 cm, se vend pour moins de un dollar par kilo.
Le cheveu gris, de moins de 15 cm, se vend environ 10 centimes le kilo.
Une fois que les exportateurs ont acheté les cheveux, ils les trient à nouveau en cheveux droits, ondulés et soyeux.
Le pèlerinage à Tirupati
Le temple de Tirupati, Sri Venkateswara Swami, temple dédié au dieu Vishnu, plus communément appelé Balaji. Ce temple serait la résidence sur terre du dieu Vishnu. Chaque année, plus de 40 millions de dévots s’y rendent et se rasent la tête pour faire un vœu.
« Beaucoup de femmes indiennes offrent leurs cheveux à des divinités dans les temples hindous en signe de respect et de gratitude.
La tradition du don de cheveux est un symbole de la dévotion religieuse et de l’abandon de l’ego.
La BBC s’est penchée sur l’industrie de l’extension de cheveux dans un documentaire en 2016 intitulé Trading Hair. Lorsque l’animatrice du documentaire s’est entretenue avec des femmes qui avaient sacrifié leurs cheveux, leurs ressentis au sujet du don étaient extrêmement positifs.
Le temple du cheveu trop bien caché
Contexte de mon périple
J’ai fait une escale à Tirupati en descendant dans le Tamil Nadu en car. Je souhaitais m’y rendre, car peu de temps avant, en France, j’avais vu un reportage sur ce temple et sur le commerce des extensions de cheveux. J’ignorais à l’époque que les cheveux qui composent ces extensions étaient véritables. Encore moins qu’ils venaient d’Inde. J’étais donc très loin d’imaginer que les temples les recueillaient puis les vendaient.
Je n’avais que 22 ans à l’époque. J’étais en stage à Secunderabad, ville jumelle de Hyderabad dans l’Andhra Pradesh. Avec une autre Française en stage également, nous avons décidé de partir à la découverte de ce lieu à la fois saint et hautement commercial. Notre maître de stage (fidèle à ses habitudes de “grand-frère”) s’était chargé de la logistique en amont. Nous sommes arrivées très tôt le matin. Dès le début de la journée, le programme s’annonçait mal, le taxi avait du retard… Il y avait donc le chauffeur et quelqu’un d’autre, nous ignorions totalement qui était cette personne.
Environnement de Tirupati
Tirupati se trouve sur les hauteurs, et compte 7 sommets représentant les Saptas Rishis (sept sages hindous). A 850 m d’altitude, le temple est érigé et surplombe la ville de Tirumala.
J’ai donc eu le loisir d’admirer le paysage. Auparavant, les pèlerins se rendaient à pied au temple. La communication avec nos deux accompagnateurs était difficile, ils ne comprenaient pas bien l’anglais.
Au sommet, 1er contrôle des passeports et un droit d’entrée à payer. Puis une attente sans fin a commencé. La police a voulu vérifier nos passeports. L’un des policiers réclamait des euros pour nous les rendre…
Nous avons senti que nous n’étions pas les bienvenues. Ce n’est que dans l’après midi que la police nous a accompagnées au guichet pour acheter nos billets, mais là encore, il fallait faire la queue.
Malheureusement nous devions reprendre la route pour le Tamil Nadu. Nous ne sommes pas entrées dans le temple.
En revanche, nous l’avons vu de loin. Nous avons pu aussi constater la foule de dévots qui s’y rend, la ferveur de cette pratique. Nous avons aussi croisé de très nombreuses personnes le crâne rasé, surtout des enfants, des hommes et des femmes âgées. Les Indiens ne font pas les choses à moitié.
Après la tonsure, de la pâte de santal est appliquée sur le crâne des pèlerins. Bon pour la peau, le santal soigne des inflammations cutanées et des infections. C’est un antiseptique reconnu en phytothérapie, mais ses bienfaits et propriétés touchent aussi au bien-être spirituel.
Les concurrents de l’Inde sur le marché du cheveu naturel
Vous savez désormais d’où proviennent les cheveux qui composent les perruques et extensions en fibres naturelles. Le temple de Tirupati serait le deuxième plus riche au monde grâce à la revente de cet or noir. Au cours des années 2000, la Chine a fait pression sur l’État indien afin que les ventes aux enchères soient ouvertes aux étrangers. C’est aujourd’hui en République populaire que se trouve l’un des centres névralgiques de traitement du cheveu : la ville de Xuchang, véritable capitale du produit à base de cheveux humains. Cette mégalopole de 4,3 millions d’habitants abrite le leader mondial de la perruque et des extensions, le conglomérat Rebecca, fondé en 1999.
La Chine se met aussi à exporter ses cheveux. Mais le cheveu Chinois est de qualité moindre dans la mesure où de la matière synthétique est ajoutée, voire des poils d’animaux, comme le yak, à leurs produits. Aujourd’hui, 50 cm de mèches brésiliennes reviennent à 45 euros, quand une botte de 55 cm de cheveux purement indiens coûte 150 euros.